Vente de fonds de commerce et vices cachés : que faire ?
Le vendeur du fonds de commerce est tenu à l’exactitude de ses énonciations (article L. 141-3 du Code de commerce) et l’acquéreur dispose d’un an pour les dénoncer (article L. 141-4 du Code de commerce).
Au-delà de cette obligation, lors de la vente d’un fonds de commerce, le vendeur doit classiquement garantir l’acheteur des vices susceptibles d’affecter le bien vendu.
Conformément au droit commun, il appartient au vendeur du fonds de commerce de garantir l’acquéreur en raison « des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus » (article 1641 du Code civil).
Aussi, les actes de vente de fonds de commerce comportent de façon habituelle la clause suivante obligeant le cédant à :
« Garantir l’Acquéreur dans les termes des articles 1644 et 1645 du Code civil, notamment contre l’éviction et les vices de la chose vendue, ainsi que des conséquences relatives à l’inexactitude des énonciations et déclarations qu’il a faites au présent acte, de sorte que l’Acquéreur puisse jouir paisiblement du fonds de commerce acquis ».
En cas d’apparition de désordres qu’il considère comme un « vice », l’acquéreur devra rapporter la preuve que le défaut du bien répond aux conditions suivantes :
· Le vice doit être caché, c’est à dire non apparent au moment de l’achat ;
· Le vice rend le bien impropre à l’usage auquel on le destine ou diminuer très fortement son usage ;
· le vice est antérieur à la vente.
Les juges recherchent si l’acheteur était ou non en mesure de déceler le vice incriminé.
L’acheteur professionnel acquiert un bien dans un domaine qui est le sien, mais n’est pas censé connaître tous les vices de la chose du seul fait de sa qualité de professionnel.
En revanche, le vendeur professionnel est traité plus sévèrement, car il supporte une présomption quasi-irréfragable de la connaissance du vice.
Toute clause stipulant le contraire et le déchargeant de toute responsabilité en cas de vices cachés est nulle.
Si un acheteur exerce une profession lui donnant des compétences techniques au regard du bien acheté, il sera considéré comme un acquéreur professionnel, et ne pourra pas demander l’application de la garantie légale contre les vices cachés (Cass. Com. 8 décembre 1980, n° 79-10.848).
Lorsque l’acheteur et le vendeur sont des professionnels de la même spécialité, les juges se montrent plus sévères pour retenir l’existence du vice.
Mais, lorsque le vice est indécelable, la Cour de cassation censure toutes les décisions dans lesquelles les juges du fond n’ont pas vérifié si l’acheteur professionnel pouvait déceler le vice lors de la vente, compte tenu des circonstances.
Les vices sont objectivement indécelables s’ils ne se manifestent qu’à l’usage, ou parce que leur découverte suppose de démonter, voire même de casser certaines pièces du bien vendu, ou enfin, s’ils nécessitent une expertise spécialisée.
La garantie des vices cachés due par le vendeur ne doit pas être écartée, sur le fondement d’une clause de non-garantie, si l’acheteur est un professionnel de la même spécialité que le vendeur, et « qui pouvait déceler, lors de la livraison, non pas les risques de détérioration dus à l’âge de la chose vendue, mais le vice caché de celle-ci ».
Cas où la garantie des vices cachés a été considérée comme acquise :
La qualité de professionnel de l’acquéreur ne saurait évidemment être invoquée sans limites (cf., par exemple, Cass. com., 11 janvier 2000, n° 97-17.542 qui énonce « qu’un acquéreur, serait-il un professionnel, ne peut légitimement soupçonner l’existence d’un litige entre son vendeur et la ville relativement aux conditions d’occupation par celui-ci d’une terrasse qu’il a installée sur le domaine public en vertu d’un arrêté de concession du maire », censurant ainsi une cour d’appel qui avait retenu qu’en sa qualité d’acheteur professionnel, l’acquéreur « devait se renseigner sur l’étendue des autorisations d’occupation du domaine public dont bénéficiait d’évidence le fonds de commerce).
Les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil auront vocation à s’appliquer lorsque le vice caché affectera :
– le matériel (Cass. Com. 4 novembre 1975, n° 74-12.373 ; Cass. Com. 12 janvier 1988, n° 86-15.316 ; Cass. Com. 2 mai 1989, n° 87-16.294) ;
– la clientèle, le local ou le bail ;
– menace non révélée de fermeture de l’établissement (Cass. com., 8 janvier 1973, n° 71-12.753) ;
– dissimulation d’un arrêté d’insalubrité frappant l’immeuble où le fonds était exploité (Cass. 3e civ., 25 octobre 1972, n° 71-12.334) ;
– ou en cas de non-conformité du local aux règles de sécurité applicables aux établissements recevant du public.
Cas ou la garantie des vices cachés a été écartée :
– lorsque l’acheteur sera un professionnel, et notamment de la même spécialité que le vendeur, il ne pourra lui reprocher de ne pas lui fournir des indications élémentaires qu’il est en mesure de recueillir par lui-même (Cass. Com. 15 juillet 1987, n° 85-15.074) ;
– également, s’agissant de l’acquéreur d’un fonds de commerce de restauration, longtemps employé des vendeurs et débouté de sa demande en résolution de la vente pour vices cachés, fondée sur la non-conformité du restaurant aux normes de sécurité exigées pour les établissements ouverts au public (Cass. Com. 18 décembre 1990, n° 88-16.680) ;
– les acquéreurs d’un fonds de commerce, pour obtenir une réduction de leur prix d’achat, loin d’établir l’existence d’un vice caché qui n’eût pu apparaître en se livrant à des vérifications élémentaires, ont reconnu que le vice invoqué était apparent et que, étant eux aussi des professionnels de ce genre de commerce, ils ont pu s’en convaincre, au même titre que leurs vendeurs, au moment de la transaction.
– enfin, la cour de cassation a récemment estimé que l’inexactitude du chiffre d’affaires mentionné dans l’acte de vente d’un fonds de commerce par le vendeur ne constitue pas un vice caché affectant l’usage du fonds. En l’espèce, le vice invoqué (matérialisé par une inexactitude du chiffre d’affaires mentionné dans l’acte de vente) trouvait sa source dans la comptabilité du vendeur – il n’était donc pas inhérent au bien vendu – et n’empêchait pas l’exploitation du fonds : il ne satisfaisait donc pas aux conditions de recevabilité de l’action en garantie des vices cachés (voir Cass. com. 11-1-2017 n°15-22.382 F-D).
Si le cessionnaire est en mesure de rapporter la preuve du vice qu’il invoque conformément aux critères rappelés si dessus, il peut donc agir :
1) Rapidement
L’action en garantie des vices cachés devra être intentée à « bref » délai (article 1648 du Code civil).
S’il ne peut être question de déterminer à l’avance la durée de ce « bref » délai qui dépend en réalité de la nature du vice invoqué et des usages, la jurisprudence considère que son point de départ doit être fixé à la date où l’acquéreur a eu connaissance du vice qui affecte le fonds.
S’il ne peut être question de déterminer à l’avance la durée de ce « bref » délai qui dépend en réalité de la nature du vice invoqué et des usages, la jurisprudence considère que son point de départ doit être fixé à la date où l’acquéreur a eu connaissance du vice qui affecte le fonds, dans la mesure évidemment où cette date sera connue (Cass. Com. 2 février 1988, n° 86-14.697, qui approuve les juges du fond de s’être placés au jour de la vente pour déterminer le point de départ du délai, l’acquéreur n’ayant pas précisé la date à laquelle il aurait eu connaissance du vice).
La volonté des parties de parvenir à un règlement amiable du différend, non suivi d’un accord, pourrait même justifier, semble-t-il, un retard dans la mise en œuvre de l’action en garantie des vices cachés et conduire ainsi à une prolongation de ce bref délai.
2) En exerçant soit l’action rédhibitoire, soit l’action estimatoire
Conformément à l’article 1644 du Code civil, l’acquéreur du fonds qui veut se prévaloir de la garantie des vices cachés a le choix de « rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu’elle sera arbitrée par experts. »
Le cessionnaire peut donc exercer :
– Soit l’action rédhibitoire.
Si l’acheteur décide de rendre la chose, on parle d’action rédhibitoire, déclinaison de l’action résolutoire, qui permet à l’acquéreur de se faire restituer le prix en rendant le fonds de commerce.
C’est une résolution avec effets rétroactifs (retour au début du contrat, chacun rend sa part).
Sont effacées les obligations nées du contrat de vente en question ; l’acheteur est censé n’avoir jamais été propriétaire, et peut être condamné, outre la restitution du bien, à verser une indemnité d’occupation au vendeur de bonne foi dans le cas d’un immeuble, ou une indemnité pour considérer la dépréciation du bien visé due à l’usure, dans le cas d’un meuble.
– Soit l’action estimatoire.
On parle d’action estimatoire ou action quanti minoris lorsque l’acheteur préfère garder la chose, objet du contrat de vente, en se faisant restituer une partie du prix payé.
Cette action ne remet pas en cause le contrat : il y a juste une diminution du prix.
Le juge procède alors à la réfaction du contrat, et évalue la partie dont le prix doit être amputé pour tenir compte du vice affectant la chose.
Cette réfaction ou réduction sur le prix des biens accordée par le juge interviendra quand lesdits biens livrés seront viciés.
La vente est donc dans ce cas maintenue, mais rééquilibrée.
Le choix entre l’action estimatoire et l’action rédhibitoire prévue à l’article 1644 du Code civil appartient à l’acheteur et non au juge qui n’a pas à motiver sa décision sur ce point (Civ. 3e, 20 octobre 2010, n°09-16.788).
Il peut demander la résolution même si le vice a disparu, à la suite des travaux que le vendeur a réalisés, notamment dans le cas d’un immeuble présentant des vices importants.
Mais dans certains cas, seule l’action estimatoire ou l’allocation de dommages-intérêts seront possibles, s’il est impossible pour l’acheteur de restituer la chose au vendeur, soit parce qu’il l’a revendue, soit parce qu’il l’a perdue par cas fortuit.
Seule l’action estimatoire serait susceptible d’être intentée par l’acquéreur si le vice caché invoqué n’était pas suffisant pour justifier la résolution de la vente du fonds de commerce ; de même, l’action rédhibitoire devrait être exclue lorsque l’aliénation du fonds de commerce par l’acheteur empêcherait sa restitution (Cass. Com. 15 octobre 1974, n° 73-12.514).
Mais quelle que soit l’option de l’acquéreur, la mauvaise foi du vendeur du fonds de commerce devrait logiquement entraîner sa condamnation au versement de dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice subi du fait du vice caché.
Cette action reste en tout cas plus aisée à introduire que l’action en nullité de la vente pour vice du consentement (erreur, dol).
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