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Forçage de l’application du droit du travail et autres cas de requalification

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Le législateur a prévu pour certaines relations contractuelles de droit commun la possible requalification en contrat de travail.

Par ailleurs, lorsque cette requalification n’est pas possible, le législateur a pris en compte la dépendance économique de certaines relations contractuelles en opérant une extension du droit du travail.

1. La requalification des relations contractuelles en contrat de travail

a. Les critères de requalification

La jurisprudence impose que trois critères soient réunis afin de pouvoir requalifier une relation contractuelle en contrat de travail.

Ces critères sont la prestation de travail, la rémunération et le lien de subordination.

– Prestation de travail

La prestation de travail consiste en l’exercice par une personne d’une activité en vue de la production au profit d’une autre personne d’un bien ou d’un service.

– Rémunération

La rémunération est un des éléments essentiels en vue de la reconnaissance d’un contrat de travail.

Ainsi, le travail effectué à titre bénévole ne saurait être requalifié en contrat de travail.

La rémunération peut aussi bien être un avantage pécuniaire qu’un avantage en nature et son montant importe peu.

– Lien de subordination

Pendant longtemps, le droit français prenant en compte le critère de dépendance économique pour qualifier un contrat de travail.

Mais aujourd’hui, pour obtenir une requalification des relations contractuelles en contrat de travail, la preuve de la dépendance économique ne suffit pas.

Il faut en effet, prouver qu’il existe un lien de subordination juridique entre les cocontractants.

C’est un célèbre arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation dit l’arrêt Société Générale qui a donné la définition du lien de subordination : le lien de subordination se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Cass. Soc. 13 novembre 1996, n° 94-13187).

La démonstration du lien de subordination nécessite donc la réunion de trois pouvoirs entre les mains de l’employeur :

– un pouvoir de direction (choix du lieu de travail, respect des horaires, fixation unilatérale d’objectifs…) ;

– un pouvoir de contrôle (système de pointage, appels réguliers…) ;

– un pouvoir de sanction (décision défavorable suite à un manquement).

Avant de conclure qu’il existe un lien de subordination salarié-employeur, la relation contractuelle devra être analysée via la méthode du faisceau d’indices.

b.Exemple de requalifications

La requalification des relations contractuelles en contrat de travail s’exerce dans de nombreux domaines.

Tel est notamment le cas des chauffeurs de taxis (Cass. Soc. 19 décembre 2000, n° 98-40572), des agents commerciaux (Cass. Soc. 7 juillet 2010, n° 08-45538), des franchisés (Cass. Soc. 18 janvier 2012, n°10-16342) ou encore des candidats de téléréalité (Cass. Soc. 3 juin 2009, n° 08-40981 ; Cass. 1ère civ. 24 avril 2013).

Il existe dans certaines professions ce que l’on appelle une présomption de non salariat (article L. 8221-6 du Code du travail).

Tel est notamment le cas des personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés…

Toutefois, cette présomption de non salariat est simple et peut être renversée par l’existence d’un lien de subordination.

C’est ce qu’a retenu très récemment la Chambre sociale de la Cour de cassation concernant un auto-entrepreneur, personne physique exerçant une activité commerciale à titre individuel et normalement autonome (Cass. Soc. 6 mai 2015, n° 13-27.355).

La Cour a en effet constaté l’existence d’un contrat de travail entre un auto-entrepreneur et le donneur d’ordre du fait du respect par le salarié d’un planning quotidien, de l’obligation de participer à des entretiens individuels et réunions commerciales et de l’obligation de passer les ventes selon une procédure déterminées tout en respectant des objectifs précis.

c. Conséquence de la requalification

En cas de requalification en contrat de travail, les règles du Code de travail s’imposent et le Conseil des prud’hommes est compétent.

L’employeur peut subir de graves conséquences.

D’une part des conséquences financières telles qu’un rappel de cotisations sociales, un rappel de salaires et heures supplémentaires, les indemnités propres au licenciement du salarié pour cause personnelle en cas de rupture du contrat voire des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse…

D’autre part cette situation peut entraîner des conséquences pénales pour l’employeur telles que des condamnations au titre de travail dissimulé.

2. Le « forçage » de l’application du droit du travail à une relation contractuelle

a. La reconnaissance de l’application du droit du travail, indépendamment d’une requalification en contrat de travail

La loi du 21 mars 1941 a étendu le statut de salariés aux personnes « dont la profession consiste essentiellement (…) à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise » (article L. 7321-2 du Code du travail).

Il s’agit donc d’une extension du statut du droit du travail sans pour autant requalification du contrat en contrat de travail et donc sans démonstration à faire du lien de subordination.

Ces dispositions visaient initialement les gérants non-salariés de succursales qui, n’étant pas propriétaires du fonds, n’avaient ainsi ni la qualité de commerçant, ni celle de salarié.

La notion de succursale est différente selon que l’on se place en droit commercial ou en droit du travail.

En droit du travail, la succursale renvoie aux « points de vente » dans les grands groupes de distribution qui appartiennent à des entrepreneurs indépendants juridiquement.

Ces relations contractuelles (franchises, concessions ou centre de distributions…) sont conclues avec des sociétés commerciales.

Aucun contrat de travail ne peut être reconnu entre le gérant et le chef du réseau mais en raison de la dépendance économique très forte à laquelle ces exploitants peuvent être soumis à l’égard d’une seule entreprise, une extension du droit du travail est prévue à leur profit (Cass. soc., 10 juillet 1990, n° 86-43.110).

La Cour de cassation a notamment retenu qu’un franchisé vendant des produits exclusivement fournis par le franchiseur, dans des conditions d’exercice strictement définies par le franchiseur, sans liberté de fixation des prix, peut valablement saisir le Conseil des prud’hommes de demandes indemnitaires et salariales sur le fondement des articles L. 1221-1 et L. 7321-2 du Code du travail (Cass. soc., 9 mars 2011, n° 09-42.901 ; Cass. soc., 20 février 2013, n°11-26.855).

Aux termes de l’article L. 7321-1 2° du Code du travail, l’exploitant doit vendre des marchandises fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise.

Le critère de « presque exclusivité » posé par l’article L. 7321-2 est apprécié au cas par cas par les tribunaux en fonction de l’importance, prépondérance ou non de l’activité consacrée par un distributeur de produits au service du fournisseur (Cass. soc., 16 février 2012, n° 10-23.541).

Par ailleurs, l’activité de l’entreprise doit exclusivement ou presque exclusivement dépendre de la relation commerciale et le local dans lequel est exercé l’activité doit être agréé par l’autre entreprise.

Par ailleurs, la de Cour de cassation énonce que « dès lors que les conditions énoncées à l’article L. 7321-2 du Code du travail, étaient réunies, quelles que soient les énonciations du contrat, les dispositions du Code du travail sont applicables, sans qu’il soit besoin d’établir l’existence d’un lien de subordination » (Cass. soc., 16 septembre 2009, n° 07-45.289).

L’originalité du procédé se profile ici. Sans qu’elles se trouvent ainsi nommées dans les dispositions du Code du travail, ce sont bien des situations de dépendance économique qui sont concernées.

C’est en considération de cette dépendance que le législateur rend applicable des dispositions de droit du travail.

L’assimilation se laisse donc concevoir comme un procédé d’extension du droit du travail, mais non, contrairement à la qualification légale de contrat de travail, comme un procédé d’extension du salariat.

b. Les conséquences de l’application du droit du travail

L’application du droit du travail implique que le cocontractant bénéficie de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale.

Il ne s’agit pas d’une relation contractuelle comme c’est le cas en cas de requalification en contrat de travail mais d’une relation légale qui s’impose.

La Cour de cassation a pu retenir des articles L. 1231-1 et suivants du Code du travail, relatifs à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, sont applicables aux gérants non-salariés (Cass. soc., 27 mars 2013, n° 12-12892).

Par conséquent, en cas de rupture du contrat commercial, celle-ci entraîne aussi la rupture de la relation de travail.

L’assimilation de professionnels à des salariés donne naissance à des régimes mixtes de travail, qui entraîne une application cumulative de l’essentiel du droit commun du travail et des règles de droit civil ou de droit commercial.

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Auteur: Maître Dahlia Arfi-Elkaïm

Maître Dahlia Arfi-Elkaïm, avocat au Barreau de Paris est associée du cabinet JDB AVOCATS, elle intervient dans le domaine du droit des affaires en conseil et contentieux.