E-mails, SMS, captures d’écran des réseaux sociaux : quelle valeur probante ?
L’utilisation des nouvelles technologies, SMS, e-mail, captures d’écran, pour communiquer a favorisé l’émergence de modes de preuve modernes particulièrement intéressants, puisqu’ils mentionnent a minima la date, l’heure et l’identité de l’expéditeur.
Ainsi, l’Ordonnance du 10 février 2016 s’est adaptée à l’évolution des supports en modifiant l’article 1366 du Code civil qui dispose désormais que « l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ».
Cette nouvelle rédaction peut se révéler bien utile, en effet, on rappelle que les preuves écrites sont obligatoires pour les contrats dont le montant dépasse 1 500 € (art 1359 du Code civil).
I. Les SMS, mode de preuve valable si leur contenu a été obtenu sans vol ni fraude
La jurisprudence considère de façon constante que la preuve par SMS qui résulte d’un procédé loyal d’obtention est valable.
Le 23 mai 2007, la Cour de Cassation a admis que nombreux SMS, dont le contenu avait été constaté par un huissier, pouvaient constituer la preuve d’un harcèlement sexuel. En effet, « l’émetteur d’un SMS ne peut ignorer que son SMS est enregistré sur l’appareil qui le reçoit », il n’est donc pas recevable d’avancer que celui-ci ait été enregistré à l’insu de son expéditeur dans le téléphone destinataire pour une éventuelle relecture (Soc, 23 mai 2007, 06-43109).
De même, la Cour de Cassation a admis que les messages téléphoniques vocaux ne rendaient pas irrecevable la preuve dès lors que « l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés sur l’appareil récepteur » (Soc, 6 février 2013, 11-23738). En l’espèce, il s’agissait d’apporter la preuve que le salarié avait été licencié verbalement par son employeur.
Néanmoins, en 2007 comme en 2013, la Cour de Cassation rappelle que l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée constitue pour sa part un procédé déloyal dès lors qu’il a été réalisé à l’insu de l’auteur des propos.
Dans un autre cadre, celui d’une procédure de divorce, a été admise la preuve d’un adultère par des SMS échangés sur le téléphone professionnel de l’époux et produits par sa femme. Ces SMS, dont le contenu avait été constaté par un huissier, avaient été récupéré par la femme suite à l’oubli du téléphone sur une table du domicile conjugal. N’ayant été obtenus ni par violence, ni par fraude, ces SMS ont donc constitué une preuve tout à fait valable (Civ.1, 17 juin 2009, 07-21796).
Ainsi, le SMS, tout comme le message vocal, peut constituer une preuve tout à fait valable lorsqu’elle n’a pas été obtenu par violence ou fraude. On constate d’ailleurs que la Cour de Cassation considère a priori que la lecture d’un SMS reçu par son conjoint n’est ni une fraude ou un vol, ni un procédé déloyal.
II. Les mails, preuve valable lorsqu’elle celle-ci n’emporte pas violation de la vie privée
Tout comme la solution précitée relative à la consultation des SMS de son conjoint, la Cour de Cassation a pu considérer que la production de mails de son épouse, « en l’absence de preuve de violence ou de fraude », permettait de démontrer des violations graves et renouvelées des obligations du mariage (Civ.1, 18 mai 2005, 04-13745). L’accès à la messagerie, qui n’était pas sécurisé, permet de ne pas retenir la fraude ici.
En ce qui concerne le droit du travail, la Cour de Cassation considère de façon constante que le salarié a droit au respect de l’intimité de sa vie privée, y compris au temps et lieu de travail.
Ainsi, la production d’un mail envoyé depuis la messagerie professionnelle comportant un fichier intitulé « personnel » ne peut être une preuve recevable pour l’employeur qui cherche à démontrer que son salarié entretenait une activité parallèle durant ses heures de travail (Soc, 2 octobre 2001, 99-42942, arrêt « Nikon »).
Il convient donc de prendre l’habitude de signaler ses correspondances personnelles, tout ce qui n’est pas personnel étant réputé professionnel lorsqu’il s’agit du matériel mis à la disposition des salariés pour leur travail.
III. Les publications sur les réseaux sociaux, mode de preuve valable ou non selon la confidentialité utilisée par l’utilisateur
En ce qui concerne les publications partagées sur les réseaux sociaux, le principe reste le même. Une photo ou un statut partagé peut constituer une preuve valable à la condition que celui-ci ait été obtenu de façon loyale et respecte l’intimité de la vie privée.
Néanmoins, il convient d’être prudent puisque ces principes ne pourront être invoqués si la publication a été partagée au public.
En effet, le réseau social Facebook est une sorte d’hybride : « il ne peut être affirmé de manière absolue que la jurisprudence actuelle nie à Facebook le caractère d’espace privé, alors que ce réseau peut constituer soit un espace privé, soit un espace public, en fonction des paramétrages effectués par son utilisateur » (CA de Rouen, 15 novembre 2011, 11/01830).
On ne saurait donc que conseiller une fois encore d’être vigilant aux contenus partagés et aux paramètres de confidentialité, afin d’éviter toute mauvaise surprise.
Nul doute que la Cour de Cassation viendra à se prononcer sur la question des preuves issues de réseaux sociaux, la majorité de la jurisprudence étant actuellement issue des jugements de Cour d’Appel. Dans le silence de la Cour de Cassation, il convient pour le moment de calquer les solutions applicables aux SMS et aux mails aux réseaux sociaux.
En attendant, nous utilisons fréquemment dans nos dossiers des captures d’écran de profils LinkedIn à l’appui d’arguments de concurrence déloyale par exemple, ainsi que des publications Facebook non restreintes permettant de prouver le lieu où se situe le publicateur, et ce toujours pour tenter de le confondre dans le cadre d’une procédure.
***
Qu’il s’agisse de SMS, de mails ou de publications sur les réseaux sociaux, il est conseillé de faire constater par voie d’huissier l’authenticité de la preuve plutôt que de fournir des « captures d’écran » du téléphone portable.
En effet, la falsification possible des captures d’écran pourrait contribuer à donner une valeur moindre à la preuve présentée.
De plus, en absence de signature électronique, il est parfois difficile d’affirmer que le message a bien été envoyé par celui qui est supposé en être l’expéditeur.
On retiendra que les critères déterminants de l’acceptation de la preuve de la Cour de Cassation sont le respect de la vie privée, et le mode d’obtention de la preuve sans vol ni fraude.
Ces critères viennent s’ajouter aux conditions du nouvel article 1366 du Code civil qui exige que l’écrit électronique permette d’identifier la personne dont il émane et soit conservé dans des conditions permettant d’en garantir l’intégrité afin de constituer une preuve valable.
Contacter JDB Avocats
Vous pouvez compter sur notre réactivité et notre mobilisation pour être à vos côtés chaque jour.
Pour toute autre question, n’hésitez pas à nous contacter :
- via notre formulaire
- par téléphone : 01 42 56 96 96
- par email : contact@jdbavocats.com
Notre équipe répondra à toutes vos interrogations dans les meilleurs délais.
Demande de devis en ligne.