La location-gérance
La location-gérance permet de conserver la propriété de son fonds de commerce, d’en maintenir l’exploitation tout en percevant un revenu grâce à la perception des redevances.
C’est un contrat par lequel le propriétaire d’un fonds de commerce loue son fonds avec tous ses éléments à un tiers.
En contrepartie, le locataire-gérant doit régler un loyer nommé redevance qui sera réglé généralement mensuellement.
Le locataire-gérant n’a qu’un droit d’exploitation de l’activité, le fonds de commerce ne lui appartient pas.
Ce type de contrat souscrit entre commerçants est prévu et règlementé par les articles L. 144-1 et suivants du Code de commerce :
Article L. 144-1
Nonobstant toute clause contraire, tout contrat ou convention par lequel le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ou d’un établissement artisanal en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls est régi par les dispositions du présent chapitre.
Article L. 144-2
Le locataire-gérant a la qualité de commerçant. Il est soumis à toutes les obligations qui en découlent.
Lorsque le fonds est un établissement artisanal, le locataire-gérant est immatriculé au répertoire des métiers et est soumis à toutes les obligations qui en découlent.
1- Les conditions de conclusion d’un tel contrat
a. Le propriétaire du fonds de commerce doit avoir exploité le fonds durant au moins deux ans (article L. 144-3 du Code de commerce).
Ce délai peut toutefois être supprimé ou réduit par ordonnance du président du tribunal de grande instance rendue sur simple requête de l’intéressé, le ministère public entendu, notamment lorsque celui-ci justifie qu’il est dans l’impossibilité d’exploiter son fonds personnellement ou par l’intermédiaire de préposés (article L. 144-4 du Code de commerce).
b. Le propriétaire du fonds doit obtenir l’autorisation du propriétaire des locaux pour signer un contrat de location gérance, ce si une exploitation personnelle du fonds est imposée par le bail commercial (ce qui est quasiment systématique).
c. Le locataire-gérant doit avoir la capacité d’exercer le commerce et d’exploiter le fonds de commerce sans changer d’activité et s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés.
2- Les caractéristiques du contrat
Le contrat de location-gérance peut être à durée déterminée ou indéterminée.
Le montant de la redevance est fixé librement, mais peut être fixé proportionnellement au chiffre d’affaires, les redevances sont soumises à TVA, la révision des redevances doit être prévue au contrat.
A l’expiration du contrat, le locataire restitue le fonds de commerce au bailleur dans l’état où il se trouve.
3- Les obligations du gérant
a. Exploitation du fonds conformément à sa destination (il ne peut pas modifier l’activité ni en ajouter une nouvelle sans l’accord du bailleur).
b. Bonne gestion de la valeur du fonds de commerce et des locaux (respect des obligations inscrites dans le bail commercial, entretien des locaux…).
c. Respect de la clause de non-concurrence qui limite le droit de rétablissement du gérant après la rupture du contrat.
4- La redevance
Le montant du loyer dit « redevance » est fixé librement par le contrat et peut être révisable.
Il peut être fixe ou proportionnel au chiffre d’affaires ou au bénéfice.
Son versement peut être effectué soit par mois, soit par trimestre.
La redevance est soumise à la TVA .
Le bailleur doit la déclarer en tant que bénéfice d’exploitation dans la catégorie des BIC (bénéfices industriels et commerciaux).
Pour le gérant, la redevance est déductible du fiscal de l’entreprise (ou de son bénéfice), en tant que charge de son commerce.
5- Les formalités à accomplir
Un avis doit être publié dans un journal d’annonces légales dans les 15 jours suivant la conclusion du contrat de location-gérance. Le propriétaire du fonds doit en outre demander sa radiation du RCS (Registre du commerce et des sociétés) ou la mise en sommeil de son entreprise.
6- Les particularités de la formule
a. La solidairité atténuée du loueur vis à vis des dettes d’exploitation
Le Code général des impôts prévoyait que le propriétaire du fonds était responsable, solidairement avec le locataire, de toutes les dettes d’exploitation contractées dans les 6 mois qui suivent la publication du contrat.
Cette solidarité visait les dettes contractuelles, mais aussi celles d’origine légales dès lors qu’elles étaient liées à l’exploitation du fonds. Le loueur ne pouvait, en revanche, être poursuivi pour des dettes qui seraient personnelles au locataire (ex. : cotisations personnelles de retraite).
Néanmoins, cette solidarité, particulièrement dissuasive s’est vue atténuée par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, JO. du 10 dite Loi SAPIN 2. Le délai de six mois a été supprimé, la solidarité n’est maintenue que jusqu’à la publication du contrat de location gérance dans un journal d’annonces légales, soit 15 jours maximum à compter de sa conclusion.
b. La fin de la solidarité fiscale du loueur
En outre, le code Général des impôts prévoyait une solidarité du loueur pendant toute la durée de locations relatives aux impôts directs du locataire ; le fisc pouvait lui en réclamer paiement dès que le gérant était défaillant. Cette disposition également très dissuasive pour l’exploitant souhaitant donner son fonds en location-gérance a été purement et simplement supprimée par la loi SAPIN 2. C’est désormais le locataire-gérant l’unique responsable des impôts directs relatifs à l’exploitation du fonds.
c. L’exploitation aux risques et périls du locataire
La location-gérance opère une séparation stricte entre la propriété du fonds, qui continue à appartenir au loueur, et l’exploitation qui incombe au locataire-gérant. Pendant cette période, la valeur du fonds repose donc sur les qualités professionnelles et morales du locataire-gérant qui doit agir en « bon père de famille ». Le propriétaire n’a pas le droit d’intervenir dans la gestion de l’entreprise et toute incompétence ou négligence du locataire peut se traduire par une perte substantielle de la valeur de l’entreprise. Le locataire doit tout mettre en œuvre pour éviter cette situation. Sa responsabilité pourrait sinon être engagée.
d. Transfert des contrats de travail
L’article L. 1224-1 du Code du travail dispose en matière de transfert d’entreprise que : « S’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. » .
Le maintien des contrats de travail n’est donc effectif qu’en cas de transfert d’une entité économique « autonome », c’est-à-dire un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique poursuivant un objectif propre et ce, même s’il y a absence de lien de droit entre les employeurs successifs (exemple : reprise d’un fonds de commerce par une société dans les mêmes locaux et avec la même clientèle, reprise d’une marque avec la clientèle attachée).
Ainsi en est-il de la location gérance (V. sur ce point Cass. Soc. 19 février 1997, n° 95-42009) suivant lequel en cas de liquidation judiciaire, et sauf ruine du fonds, le mandataire de justice ne peut prononcer la résiliation des contrats de travail puisque le fonds retourne au propriétaire).
7- La fin du contrat
Lorsqu’il est à durée déterminée, le contrat de location-gérance peut être résilié uniquement en cas d’accord amiable des parties. S’il arrive à son terme, le locataire-gérant n’a pas droit au renouvellement automatique du contrat. Le propriétaire du fonds peut refuser de le renouveler sans avoir à verser d’indemnité en contrepartie. En revanche, il est obligé de reprendre les salariés recrutés par le locataire-gérant.
Dans le cas d’un contrat à durée indéterminée, la résiliation peut intervenir unilatéralement en respectant un délai de préavis (généralement de 3 mois).
8- Avantages et inconvénients de la formule
a. Avantages
Cette formule permet au bailleur de rester propriétaire de son fonds tout en percevant un revenu tiré des redevances. C’est aussi un moyen d’organiser une « passation de pouvoir » en douceur et une transmission du savoir-faire à un repreneur potentiel.
Pour le locataire-gérant, l’avantage est triple :
1. S’il n’a pas encore les ressources financières suffisantes pour acquérir le fonds, il a tout de même la possibilité de commencer à l’exploiter.
2. La location gérance peut être un bon moyen de « tester » l’intérêt d’un rachat ultérieur du fonds et la pérennité de l’intérêt économique de l’opération.
3. Elle lui permet aussi de limiter les risques financiers en ne s’endettant pas pour l’acquisition du fonds, et la redevance versée dans le cadre de la location-gérance est déductible des résultats de l’entreprise.
La durée de la location procure donc un répit pour réunir les capitaux nécessaires à l’achat.
Enfin, le passage par une location-gérance peut donner confiance aux banques : avoir fait ses preuves en ayant déjà exploité le fonds sera interprété favorablement quand le locataire sollicitera des prêts pour l’achat.
Quant au propriétaire du fonds, la formule lui permet de tester un repreneur potentiel, sans toucher au commerce en lui-même (ex : le personnel, l’enseigne, le mobilier).
Par ailleurs, il reste propriétaire du fonds de commerce, il conserve le droit de vendre et de donner en nantissement ce fonds et perçoit donc des redevances sans avoir à exploiter lui-même.
En outre, la mise en location-gérance lui procure un revenu.
La location-gérance est souvent adoptée pour régler un problème de succession, en particulier quand le fonds échoit à plusieurs personnes en indivision, à une personne mineure ou exerçant un métier incompatible avec l’activité commerciale.
b. Inconvénients
A la fin du contrat, le bailleur récupère le fonds en « l’état ».
Ainsi, si le locataire-gérant n’a pas su l’exploiter correctement, sa valeur se trouve considérablement amoindrie.
Mais si le locataire gérant gère le fonds de manière optimale et augmente sa valeur, cela desservira ses intérêts. Non seulement, il n’a droit à aucune indemnité mais, le prix d’acquisition sera plus élevé : pour éviter cette situation, je conseille l’insertion d’une clause type d’éventuel « rachat » dans le contrat de location gérance par laquelle les parties pourront se mettre d’accord pour une valeur de rachat fixe du fonds en fin de contrat de location gérance.
En l’absence d’une telle clause, l’aléa demeure entier.
A l’expiration du contrat de location-gérance et sauf clause contraire, le locataire n’a pas droit au renouvellement automatique du contrat, le propriétaire est en droit de reprendre son fonds sans avoir à verser d’indemnités.
Là encore, on ne peut que conseiller aux parties la fixation d’une clause fixant les modalités éventuelles de rachat et/ou d’indemnisation.
A défaut, le locataire n’est propriétaire de rien même s’il a augmenté la valeur du fonds, il n’a droit à aucune indemnité.
Enfin, signalons la responsabilité solidaire du loueur et du gérant pour les dettes contractées par celui-ci à l’occasion de l’exploitation du fonds jusqu’à la publication du contrat de location gérance et pendant un délai de six mois à compter de cette publication.
Ainsi, le loueur risque, si le locataire gérant fait des dettes au cours des six premiers mois d’exploitation, de devoir aussi les régler.
9- Aspect fiscal de l’opération
A titre exceptionnel, le propriétaire reste également solidairement responsable, sans limitation de durée, des impôts directs à raison de l’exploitation du fonds de commerce.
La fin de la location gérance qui rend immédiatement exigible les dettes contractées par le gérant pour l’exploitation du fonds.
Fiscalement, la mise en gérance libre d’un fonds de commerce ne constitue pas une cession d’entreprise au sens de l’article 201 du Code général des impôts. En effet, le loueur est considéré comme poursuivant l’exercice de son activité sous une autre forme.
En conséquence l’administration considère qu’aucune plus-value n’est taxable du chef de cette mise en location gérance (Doctrine de base DB 4 A-6121 du 9 mars 2001).
a. Les dotations aux amortissements d’immobilisations données en location-gérance ne sont pas éligibles au crédit d’impôt recherche (CE, 17 septembre 2010, n° 313576).
b. Le bénéfice du paiement différé et fractionné des droits de mutation à titre gratuit dus ne peut être accordé en cas de transmission à titre gratuit d’un fonds de commerce donné en location-gérance (Dès lors que le fonds n’est pas exploité personnellement par le donateur, RM Valleix JOAN du 5 septembre 1998, question n° 832).
c. La transmission d’un fonds qui serait exploité dans le cadre d’un contrat de location-gérance n’est pas éligible à l’exonération partielle des droits de mutation de l’article 787 C du CGI (RM GIRO JOAN du 15 août 2006, question n °85780).
d. les donations de fonds de commerce exploités en location-gérance ne peuvent pas bénéficier du régime de report des plus-values professionnelles institué par l’article 41 du CGI (RM Bobe, JOAN du 29 mars 2005, question n° 46957).
e. La transmission d’un fonds exploité en location-gérance n’est plus éligible au régime d’exonération des plus-values des petites entreprises (Article 151 septies du CGI)
f. La mise en œuvre du régime d’exonération de plus-value professionnelle en cas de départ à la retraite n’est possible que sous certaines conditions (Article 151 septies A du CGI)
Outre les conditions visées à cet article, le propriétaire-loueur qui envisage de céder son fonds doit vérifier que l’activité a été exercée depuis au moins 5 ans au moment de la mise en location-gérance et que cette vente est réalisée au profit du locataire-gérant (BOI 4 B-2-07 n°40 du 20 mars 2007). Même si l’administration a prévu des exceptions à ces deux conditions spécifiques, ces dernières concourent à complexifier voire à rendre impossible toute transmission d’un fonds donné en location-gérance.
g. La mise en œuvre du régime d’exonération de plus-value professionnelle liée à la valeur du fonds n’est possible que sous certaines conditions (Article 238 quindecies du CGI).
Le propriétaire-loueur qui envisage de céder son fonds et se placer sous ce régime d’exonération doit vérifier que l’activité a été exercée depuis au moins 5 ans au moment de la mise en location-gérance et que cette vente est réalisée au profit du locataire-gérant.
Lorsqu’à l’issue du contrat, le fonds est vendu au locataire-gérant et que le prix de cession est diminué du montant des redevances, l’administration fiscale peut requalifier la location-gérance en cession déguisée.
Ainsi, le recours à ce type de contrat nécessite de la prudence, une bonne évaluation de la situation du fonds et le respect d’un formalisme rigoureux.
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